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Mathématiques et brouillard

Comment et pourquoi certains élèves se trouvent dans le brouillard dès qu'il s'agit de faire des maths ?

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Aujourd'hui nous allons parler des mathématiques et du brouillard dans lequel se trouvent parfois les élèves lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes mathématiques, ou même simplement parfois de prononcer le mot "mathématiques" dans des cas extrêmes.

En plus d'aider des jeunes (ou moins jeunes) stagiaires à dépasser leur dyslexie ou d'aider les parents d'enfants en difficultés scolaires à mieux comprendre et aider leur enfant, je donne également régulièrement des cours individuels de soutien en mathématiques. Bien évidemment, les seuls élèves que je vois sont ceux qui ont des difficultés en maths. Je ne vois pas les bons élèves, par définition. Alors il ne faudrait pas trop généraliser ce que que je vais raconter aujourd'hui ni imaginer que les problèmes que je raconte sont universels. Néanmoins, parmi mes jeunes élèves, j'en ai une bonne proportion qui me semblent errer dans un brouillard mathématique parfois très dense. Ils sont perdus, n'arrivent pas à aborder un problème et encore moins le terminer et ne savent jamais vers où aller.

Vous avez probablement déjà été au cours de votre vie dans un brouillard. Je parle d'une belle nappe de brouillard, celle qui permet à peine de voir le lampadaire qui marche droit vers vous. C'est une situation plutôt angoissante, éventuellement amusante lorsqu'on la vit une fois, mais pas drôle à répéter encore et encore au quotidien. Hé bien, c'est le même type de situation que vivent une partie de mes élèves en cours de soutien en maths. Littéralement, ils ne voient pas (dans leur imagination) ce que veut dire le problème qu'ils ont à résoudre, ils n'ont pas dans leur imagination les représentations de la réalité qui leur permettraient d'imaginer un pas vers la solution et de sortir, enfin, du brouillard. Ils ont tendance à parler des maths comme étant trop abstrait pour eux.

Or, si l'on a inventé les mathématiques, c'est bien parce que l'on avait un problème réel à régler. On avait besoin de compter les moutons ou les sacs de blé. On avait besoin de "prédire" quel quantité de mouton il y aurait si l'on réunissait deux troupeaux. Et on a appelé ça l'addition. Et on a eu besoin de prédire combien de moutons il resterait si un berger partait avec une partie du troupeau. Et on a appelé ça la soustraction. Et ainsi de suite, chaque notion a été créée pour répondre à un besoin particulier. Les dérivées pour savoir si la pente serait douce ou raide, en montée ou en descente. Les intégrales pour calculer le volume d'une forme complexe comme la coque d'un bateau et le construire à la bonne taille. Bien évidemment, plus l'on avance dans les maths, et plus c'est abstrait. Mais il y a toujours un lien avec la réalité, à un certain niveau.

Mais quand ce lien avec la réalité n'existe pas, quand l'élève ne l'a pas trouvé, ça le conduit à des réponses comme "est-ce qu'il faut que je fasse 3+4 ou bien 3x4 ?". C'est ce qui vient de m'arriver avec une jeune élève, appelons-la Sophie, à qui de demandais de calculer la surface d'un rectangle de 3 cm de largeur par 4 cm de longueur. Je demande donc à Sophie comment faire pour calculer cette surface. Et elle me regarde avec une hésitation palpable et le sentiment qu'elle était sur le point de dire une bêtise et me répond "heu, on fait 3+4 ?". Pas de chance, elle avait une chance sur deux de trouver la bonne réponse, mais ici, ce n'est pas d'avoir de la chance qui compte. La chance, c'est quand on joue à la roulette ou aux cartes. Faire des maths, ce n'est pas tirer au hasard une réponse en espérant qu'elle soit bonne. Je n'aurais pas été d'avantage satisfait si elle avait choisi (toujours au hasard...) l'autre réponse, la bonne.

Pourquoi ? Parce que le plus important, ou en tout cas la toute première étape pour faire des maths, est de comprendre le problème et de comprendre pour quelle raison il faut le résoudre de telle ou telle manière. Pour reprendre l'exemple de Sophie, j'aurai été plus satisfait si elle m'avait dit avec une totale certitude "je sais qu'il faut faire 3x4 mais je ne connais pas mes tables de multiplication". Simplement parce qu'il est toujours possible de s'aider d'une calculette pour effectuer le calcul. Mais la calculette ne peut pas deviner quelle opération faire. Elle ne peut qu'obéir aux doigts et au cerveau qui commande et qui, lui, doit savoir exactement pour quelle raison faire quel calcul.

En creusant un peu avec Sophie, j'ai constaté qu'elle avait une très vague notion de "périmètre" et de "surface" qui sont attachées à la notion de "rectangle", mais sans vraiment m'expliquer ces notions. Et hop, une nappe de brouillard. Et puis, j'ai réalisé que Sophie n'avait que de très vagues idées de ce qu'est une multiplication et une addition, ainsi que le lien entre ces deux opérations. Brouillard encore. Et je ne parle pas des unités, passer du centimètre au centimètre carré et autres manipulations. Brouillard toujours.

Au milieu de tout ce brouillard, elle n'avait d'autre choix que de répondre au hasard. Et on l'a vu, ce n'est pas une bonne idée de tirer la réponse aux dés quand on fait des maths. C'est l'échec quasi assuré...

Deux questions se posent à nous. Pour quelle raison des enfants comme Sophie se retrouvent-ils dans ce brouillard ? Et deuxième question, comment faire pour dissiper le brouillard ?

La raison est en fait souvent multiple. Mais généralement cela tourne autour de la non-maîtrise des éléments de base, les touts premiers concepts appris en mathématique. Les chiffres, les nombres, les opérations, les formes géométriques etc. Sans entrer dans les détails parce que chaque apprentissage mériterait un podcast à lui tout seul, l'enfant très jeune bâtit ses apprentissages sur une vague impression de compréhension qui s'appuie sur d'autres impressions de compréhension. Rien n'est solide, rien n'est fiable et, tout comme un château de cartes, l'ensemble peut s'effondrer à tout moment, et c'est là qu'arrive le brouillard. Et plus on attend, plus on avance dans des concepts mathématiques avancés, et plus il y a de sous-œuvre à reprendre et consolider. Et également, plus l'estime de soi de l'enfant souffre.

Mais il y a moyen d'y remédier. C'est l'objet de la deuxième question " comment faire pour rebâtir ?"

Il n'y a pas trente-six solutions. A Pise, pour éviter que la tour de Pise ne s'effondre, les experts ont tout fait pour consolider le terrain, pour renforcer la base et revoir les fondations. En maths, c'est pareil. Il faut repartir de l'endroit où se trouve l'enfant, constater les points qui sont fiables et maîtrisés, car on peut alors s'appuyer sur eux, et renforcer, ré-apprendre les notions qui font défaut ou qui ne sont pas absolument certaines vu de l'enfant. Avec Sophie, elle maîtrise les chiffres et les nombres, mais pas le système décimal (donc difficile de multiplier ou diviser par 10, 100, 1000...) et nous avons commencé à revoir les quatre opérations. Car impossible de sortir du brouillard et calculer la surface d'un rectangle sans maîtriser ce qu'est la multiplication. Certes, le chemin est long, il y a beaucoup de notions à reprendre, d'apprentissages à refaire et de bases à consolider, mais chaque étape vient augmenter la confiance en soi de l'élève et lui faire comprendre qu'en réalité, ce n'est pas si compliqué que ça de maîtriser les maths. Il faut rattacher à la réalité, refaire le lien avec les problèmes qui ont été à l'origine de telle ou telle notion mathématique.

Et la plus belle des récompenses, c'est après avoir fait tout ce travail avec l'élève, après avoir parfois bataillé pour rétablir une compréhension claire des notions mathématiques, lorsque l'enfant dit enfin "ça y est, j'ai compris..."

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