Le cours magistral

Vous est-il déjà arrivé d'assister à un cours magistral d'un enseignant qui parle sans discontinuer ? Voire pire, certaines personnes ont une voix monocorde où rien de dépasse, tout est sur le même ton, sur le même rythme, comme un train qui file dans la campagne. Vous ne trouvez pas que ça a un effet hypnotique ? Même si le sujet est intéressant, même si c'est passionnant, le seul ton et rythme de la voix peut nous amener à s'assoupir voire parfois même s'endormir. Ça m'est arrivé un certain nombre de fois pendant mes études, et encore récemment lors de diverses présentations auxquelles j'ai assisté. Que se passe-t-il lors de ces cours qui font que l'on a plus envie de dormir ou de partir que d'écouter le discours ? Il peut y avoir beaucoup d'explications, mais la principale réponse est qu'il n'y a pas d'interactions, pas de sollicitations.

Alors ça peut paraître un peu ironique pour moi d'enregistrer un podcast et pour vous de l'écouter alors que, bien évidemment, il ne peut pas y avoir d'interactions entre vous et moi par le choix du support, néanmoins, j'espère que vous n'êtes pas en train de m'écouter sans réagir en vous-même, et que vous êtes en train de porter votre attention sur ce que je dis, même si je ne peux pas interagir avec vous.

Alors que peut-on faire pour qu'un cours que l'on écoute puisse devenir plus intéressant ? Quelle attitude puis-je avoir pendant la présentation pour générer moi-même l'intérêt ?

Mais en fait, pourquoi vient-on suivre un cours ? Pourquoi assiste-t-on à une présentation ? À une conférence ? C'est pour apprendre quelque chose, pour découvrir un sujet, pour approfondir une de nos connaissances. Et pour apprendre, pour que ce soit un minimum profitable, il faut être actif. Je l'ai dit de nombreuses fois dans mes podcasts, je le répète à chacun de mes stagiaires, pour apprendre, il faut faire soi-même.

Bien entendu, certains cours sont plus vivants que d'autres. Et certains enseignants ont le chic pour animer des cours passionants. Quand j'étais étudiant, dans une école d'ingénieur après le bac, j'avais un professeur qui travaillait la plus grande partie de son temps dans l'industrie. Et une demi-journée par semaine, il venait nous faire cours. Il débutait toujours sa présentation par une mise en situation. Il pouvait nous raconter par exemple : "Un agriculteur dispose de 150 hectares, il a des ouvriers capables de lui fournir une certaine somme de travail, le blé coûte tant et demande tel investissement et ainsi de suite". Puis il nous posait la question : "quel est la meilleur stratégie de culture pour cet agriculteur ?" "Que doit-il cultiver pour que son exploitation soit optimale ?" "Quelles questions doit-il se poser ?" "Quelles décisions doit-il prendre ?" Et alors, toute la classe se mettait à réfléchir ensemble, faire des propositions, poser des questions. Et l'enseignant nous guidait vers le résultat à trouver avec ses réponses et contre-questions. Vous pouvez deviner que ce cours m'a bien marqué, je m'en souviens comme si c'était hier. Pourquoi ? Parce que j'était ACTIF, tout simplement. Je participais à l'élaboration, non seulement de la solution au problème donné, mais aussi à construire mon propre raisonnement, je faisais activement mon apprentissage.

Alors évidemment, nous sommes loin du cours magistral, le sujet de ce podcast. Nous en sommes même pratiquement à l'opposé. Et pourtant, la clé est quand même là : être actif.

Et si ce n'est pas l'enseignant qui suscite la mise en action de l'élève, c'est à l'élève de le faire par lui-même. Et ce n'est pas si difficile que ça en a l'air.

Toujours pendant mes études, j'avais un autre prof qui, lui, était justement le cas typique du prof pro du cours magistral. Malheureusement à cette époque, j'ignorais tout ce que je vais vous raconter ici. Je l'ignorais à tel point que je n'ai compris que bien plus tard ce que faisait l'un de mes camarades de classe. Il était assis au fond de la classe, il était toujours les bras croisés, ne prenait jamais aucune note, alors que moi (et tous les autres) nous remplissions des pages et des pages de notes prises aussi vite et avec autant de précision que possible. Et l'autre était au fond, il semblait tranquille, inactif, voire même un peu absent, un peu ailleurs. Bref, à cette époque là, je le prenais vraiment pour un feignant cancre et tout autre qualificatif peu honorable. Jusqu'à ce que je constate que ses résultats étaient meilleurs que les miens. En fait, ses résultats étaient quasiment les meilleurs de la classe, et de loin.

Alors que faisait-il assis au fond de la classe ? Certainement pas rien. Bien au contraire. Avec le recul, je suis intimement persuadé qu'il était plongé dans une hyper-activité mentale, se représentant le cours dans son imagination, et très probablement imaginant que lui-même donnait le cours à quelqu'un d'autre.

Parce que l'un des secrets de la réussite est là : expliquer à une autre personne ce que l'on cherche à apprendre. Ce n'est bien sûr par le seul secret, mais c'en est un très important. Quand on y arrive, quand on peut expliquer à une autre personne comment fonctionne tel ou tel sujet, cela veut dire qu'on maîtrise le sujet et qu'il est ancré en soi. Et cette personne à qui l'on explique peut très bien être imaginaire, si l'élève ou l'étudiant fait jouer son imagination avec suffisamment de conviction, il apprendra.

Alors voici ce que je suggère. C'est très simple même si il faut pour ça un peu d'entrainement et prendre un peu d'habitude. Pendant le cours, si c'est un cours magistral et je dirais même surtout si c'est un cours magistral, imaginez-vous en train de résumer le cours, de l'expliquer à une autre personne, de le raconter, de décortiquer les différentes parties du cours et de comprendre comment ces différentes parties s'assemblent entre elles. Imaginez-vous en fait prendre la place du prof, donner le cours à sa place, et que ce soit le plus vécu possible, le plus réaliste possible, le plus vivant possible. Et si le cours va trop vite, ce qui est souvent le cas, prenez note mentalement des points importants, des différents chapitres ou des différentes facettes du cours. Votre cerveau va commencer à structurer ce cours et l'apprivoiser. Dans tous les cas, cet exercice vous sera utile. Parce qu'il va diriger votre inconscient vers les parties importantes, celles qu'il faut absolument retenir pour maîtriser sa leçon.

Et puis, le soir, reprenez les différents cours de la journée, très rapidement, quelques minutes suffisent, pour faire un bref résumé du cours. Ainsi, le cerveau va comprendre que telle ou telle partie du cours est importante et va activer les processus d'apprentissage qui se déroulent la nuit, pendant nos périodes de sommeil.

Bref, il y a toujours moyen de rendre un cours intéressant en lui portant son attention dirigée, son attention active. Et comme le dit Jack Sparrow dans Pirates des caraïbes : le problème n'est pas le problème,  le problème est ton attitude face au problème.  Alors prenez la bonne attitude.