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Dyslexie et survie de l'espèce

Selon un article de Science & Vie, la dyslexie aurait participé à la survie de l'espèce humaine. Mon point de vue dans ce podcast

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En juillet est paru dans le magazine en ligne Science & Vie un article très intéressant titré "Les compétences cognitives des dyslexiques auraient participé à la survie de l'espèce". Vous pensez bien que je me suis empressé de lire cet article qui vient bien confirmer ce que j'ai pu observer depuis que je travaille dans ce domaine. Mais cet article necessite de clarifier ce qu'est plus précisément la dylexie, ce qui crée la dyslexie et le lien qu'il peut y avoir entre dyslexie et survie de l'espèce.

Et je veux tout d'abord rapporter les nombreuses observations pertinentes de l'auteur qui relate lui-même une étude de la chercheuse Helen Taylor de l'Univertité de Cambridge. Je cite Helen Taylor : "La vision de la dyslexie centrée sur le déficit ne dit pas tout. Cette recherche propose un nouveau cadre pour nous aider à mieux comprendre les forces cognitives des personnes atteintes de dyslexie." J'aime beaucoup de que dit Helen Taylor sur les forces cognitives, parce qu'elles sont souvent les facteurs oubliés lorsque l'on parle de dyslexie. La tendence est généralement à ne voir que ce qui ne fonctionne pas, c'est à dire la lecture.

L'étude formule une nouvelle hypothèse, qui est que des personnes à "fort biais d'exploration" joueraient un rôle essentiel dans l'évolution et la survie des collectivités humaines. Et cela s'explique par des différences de compétences cérébrales entre les divers membres d'une communauté. Certaines personnes sont plus douées pour l'exploration, pour découvrir de nouvelles informations, de nouveaux endroits, de nouvelles techniques. Et d'autres personnes sont plus douées et attirées par l'exploitation, par faire "tourner la machine", par produire les biens et les services qui permettent la vie au quotidien. Et cette coopération entre deux modes de fonctionnement de la pensée humaine est forcément très bénéfique pour toute la société, pour tout le groupe.

Et si vous imaginez des petits groupes de l'âge de pierre, ou des petits villages tout juste sédentarisés voici dix à douze mille ans, ou des villes-état comme ont pu l'être Babylone, Ur, Athènes, ou notre société moderne mondialisée, l'image bicéphale de l'exploration alliée à l'exploitation se retrouve à tous les âges et dans toutes les civilisations. L'explorateur innove et expérimente et l'exploitant sélectionne ce qui est efficace. Rien de surprenant ici, sauf... la dyslexie, et nous y reviendrons.

En réalité, poursuit l'étude, chaque individu est tiraillé entre la recherche de nouvelles solutions et faire fonctionner et améliorer l'existant. Et comme les deux modes de fonctionnement sont complémentaires, ils participent ensemble non seulement à la survie de l'humanité mais également à son évolution. Cette hypothèse est également confortée par le fait que, dans toutes les populations du monde, dans tous les milieux, toutes les société, toutes les cultures, nous trouvons systématiquement le même pourcentage d'environ 20% de personnes dyslexiques. Et intuitivement, ce chiffre de 20% semble également être un bon compromis entre l'énergie passée à explorer et découvrir d'une part, et d'autre part à l'énergie utilisée pour le quotidien, faire tourner l'existant.

Mais pourquoi l'auteure associe-t-elle dans cette étude par ailleurs très pertinente, ces fonctionnements de decouvrir et d’exploiter à la dyslexie ? Je vous rappelle simplement le titre de l'article "Les compétences cognitives des dyslexiques auraient participé à la survie de l'espèce". Et c'est justement l'association dans le titre des mots "dyslexie" et "survie de l'espèce" qui ont attiré mon attention parce qu'il y a une subtilité. Et plus encore, l'un des sous-titres de l'article de Science & Vie est "Quel a été le rôle des dyslexiques dans l'évolution et l'adaptation des sociétés ?" Ici c'est une très belle incohérence d'associer les mots "dyslexiques" et "évolution". Pour être franc, j'ignore si l'auteur de l'article a volontairement utilisé le mot "dyslexie" parce que c'est un mot qui attire l'oeil, ou bien si l'auteur fait la même confusion que la plupart des personnes. Confusion qui est très fréquente dans la littérature et les différents discours que l'on peut entendre de ci de là.

Tout d'abord, où se situe l'incohérence ? C'est très simple, c'est une incohérence temporelle. Pour qu'il y ait dyslexie il faut qu'il y ait lecture. Je rappelle que la dyslexie est la difficulté à acquérir les capacités de lecture d'un texte. Il ne peut donc pas y avoir de dyslexiques si il n'y a pas d'écriture et de lecture dans la civilisation concernée. L'espèce humaine est très ancienne. Quelques centaines de milliers d'années, quelques millions d'années selon le point de vue que l'on prend. En tout cas bien plus vieille que l'écriture qui, elle, a été inventée en Mésopotamie il y a environ 5500 ans. Donc, l'espèce humaine a survécu et s'est adaptée pendant bien des millénaires sans dyslexiques. Pour rappel, au moyen-âge, vers 1500, on estime que seulement 10% à 15% de la population savait lire. Donc en proportion extrêmement peu de personnes faisaient de la dyslexie. En fait, ceux qui n'arrivaient pas à apprendre à lire étaient simplement comme les 90% qui ne savaient pas lire, bref, ils étaient "normaux". Le drame de notre XXIieme siècle est que "tout le monde doit savoir lire". Et qu'environ 20% des enfants y sont réfractaires à cet apprentissage.

Je m'étends longuement sur ces notions parce qu'il est crucial d'éviter la confusion qui ammène aux titres et sous-titres que je vous ai lu.

Quelle est cette confusion ? La confusion est entre la cause et l'effet. La dyslexie n'est pas la cause de l'adaptation, ni de la survie, ni de l'évolution des sociétés humaines. Par contre, la dyslexie ET les facultés d'adaptation, d'exploration, d'innovation ont la même cause. Et cette cause est une grande facilité pour utiliser son imagination, une grande souplesse pour créer des images mentales et de les arranger pour former de nouvelles idées. Et cette faculté d'imagination, elle, est présente chez l'être humain depuis le tout début de l'humanité. Il suffit de se rendre dans n'importe quel musée, de la préhistoire, de l'antiquité, de la science ou autre pour s'en convaincre. Ces musées fourmillent de preuves qu'à tout âge, l'humanité a fait preuve d'imagination et de créativité.

Mais "les dyslexiques" ne sont pas les seuls à bénéficier d'une forte capacité d'imagination. Il existe également bon nombre de personnes qui sont douées d'une grande imagination, qui ont toutes les capacités pour devenir dyslexiques mais qui ont réussi à apprendre à lire. L'un de mes exemples favori est Walt Disney. Avec ses capacités d'imagination hors limites, il avait le parfait profil pour devenir dyslexique, mais il a pu apprendre à lire sans difficultés. Pour quelle raison ? Ce sera peut-être l'objet d'un futur podcast...

Pour revenir à cet article de Science & Vie, hormis la confusion entre imagination et dyslexie, confusion entre la cause et l'effet, c'est un excellent article qui prône la collaboration entre personnes qui ont des modes de pensée très différents et qui se complètent parfaitement.

En tout cas, les auteurs de l'étude souhaitent que les écoles, universités et entreprises prenent mieux en compte les persones ayant une forte capacité exploratoires qui sont également les personnes qui risquent le plus de faire de la dyslexie.

Comme le disait Antoine de St Exupéry "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis".

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